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Origines de la poésie persane

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La naissance de la poésie persane : Un voyage à travers les âges et les cultures


L'émergence de la poésie persane, qui remonte au IXe siècle, constitue un moment charnière dans l'histoire littéraire de l'Iran. Deux siècles après la conquête arabe, le contexte socioculturel de l'époque était marqué par une profonde transformation. La conquête et l'islamisation avaient entraîné non seulement une rupture avec l'héritage culturel pré-islamique, mais avaient également ouvert la voie à la formation d'une nouvelle langue littéraire : le persan. Dans cette analyse, nous explorerons les racines de la poésie persane, ses influences diverses, et comment elle a su s'imposer et s'épanouir au cours des siècles.



Les origines de la poésie persane


La poésie persane ne surgit pas de nulle part. Elle est le fruit d'une évolution complexe des traditions littéraires iraniennes antérieures, notamment celles de l'Iran sassanide. Cette période avait vu l'épanouissement d'une culture raffinée, où le moyen-perse, ou pehlevi, servait de langue administrative et littéraire. Malheureusement, beaucoup de ces œuvres ont disparu, mais des traces subsistent grâce aux traductions arabes et aux témoignages d’auteurs contemporains. La poésie, bien que longtemps sous-estimée, existait bel et bien, notamment à travers les ménestrels professionnels, connus sous le nom de "gôsân", qui jouaient un rôle vital dans les cours royales et au sein de la société.


Les vestiges de cette poésie sassanide, bien que fragmentaires, sont cruciaux pour comprendre la continuité qui relie la poésie préislamique à celle qui émerge au IXe siècle. Des œuvres comme le "Mémorial de Zarir" et des poèmes moraux en moyen-perse témoignent d'une tradition poétique riche et variée. Cependant, avec la conquête arabe, la dynamique littéraire connaît un bouleversement. Le moyen-perse perd de son influence, relégué aux cercles zoroastriens, tandis que l'arabe devient la langue de culture, de science et d'administration.



L'impact de la conquête arabe


La conquête arabe de l'Iran et la propagation de l'islam ont entraîné des changements socio-culturels majeurs. L'arabe, langue du Coran, s'impose rapidement comme la langue de la noblesse, tandis que le moyen-perse s'efface peu à peu. Cependant, cette période de transition ne signifie pas la mort de la culture iranienne. Au contraire, les Iraniens, tout en adoptant l'arabe, contribuent activement à la littérature et à la science arabes, traduisant de nombreux ouvrages et intégrant des éléments de leur propre culture dans cette nouvelle réalité.


La poésie persane, bien que diminuée, perdure dans les traditions orales. Les ménestrels continuent de chanter des récits et des épopées, préservant ainsi l'héritage poétique iranien. Les nouvelles dynasties émergentes, comme celle des Samanides, jouent un rôle clé dans la renaissance de la poésie persane au IXe siècle, favorisant l'émergence d'une littérature en langue vulgaire.



La réémergence de la poésie persane


La réémergence de la poésie persane se manifeste clairement au IXe siècle, notamment avec l'apparition de poètes comme Rudaki, souvent considéré comme le père de la poésie persane. Sous les Samanides, la poésie en persan connaît un essor sans précédent : des nouveaux genres poétiques se forment et se diversifient, influencés par la poésie arabe mais également par les traditions orales locales. Ce phénomène est particulièrement visible dans les cours princières, où les poètes étaient en concurrence pour la faveur des mécènes.


La création littéraire prend alors des formes variées, allant du panégyrique à la poésie narrative. Les poètes commencent à s'éloigner des modèles arabes pour développer leur propre style, tout en intégrant des éléments de la tradition iranienne. Cette évolution est symbolisée par la figure de Ferdowsi, dont le "Shahnameh" (Livre des Rois) constitue une synthèse des récits épiques iraniens, reliant le passé préislamique à la nouvelle identité islamique.



Un nouveau langage poétique


Le persan, qui émerge comme langue littéraire, est marqué par une double influence : celle de l'arabe et de la tradition iranienne. Bien que la structure grammaticale et phonétique du persan reste proche de celle du moyen-perse, le vocabulaire se diversifie, incorporant des emprunts à l'arabe tout en préservant des éléments anciens. Cette évolution linguistique permet aux poètes de créer des œuvres riches en significations et en émotions, capables de toucher un large public.


La versification persane, quant à elle, est empreinte des règles arabes, adoptant une structure quantitative. Cependant, des genres uniques, tels que le masnavi et le robâi, émergent, témoignant d'une créativité originale. Les poètes persans ne se contentent pas d'imiter leurs prédécesseurs arabes, mais adaptent et réinventent les formes poétiques pour y insuffler leur propre vision du monde.


La poésie comme miroir de la société


La poésie persane, au-delà de sa forme artistique, devient un miroir de la société iranienne. Elle reflète les préoccupations des aristocrates, les festivités de cour, et les thèmes universels de l'amour, de la nature, et de la jouissance de la vie. Les poètes célèbrent les fêtes traditionnelles, comme le Nowruz, et abordent des sujets tels que l'amour, la beauté, et la nature avec une sensibilité unique.


Les grandes thématiques de la poésie persane, bien que souvent influencées par les modèles arabes, trouvent également leurs racines dans la culture iranienne préislamique. La glorification du vin, par exemple, est un motif récurrent qui rappelle les traditions sassanides. De plus, la poésie lyrique persane développe une esthétique propre, caractérisée par un langage riche et métaphorique qui continue d'évoquer des sentiments profonds.




Regarde cette grappe sous le pampre vert,

Spectacle propice, délectable saveur.

J'ai visité ces vierges brunes à la verte mantille

Et mon coeur à les voir a quitté ses soucis.

On aurait dit les filles d'un roi nègre,

Que leur père sous ces voiles aurait voulu cacher.

Hélas ! à mon insu le vigneron de loin

A surpris mon commerce avec ces nobles filles.

II a saisi leur gorge délicate

Et d'un fer acéré il a tranché leurs membres,

D'un pied brutal, les a frappées jusqu'à la mort,

Sur tout leur corps a déchiré leur peau,

Puis enfermé leur sang dans des urnes de pierre

En se mordant les lèvres de fureur.

Pendant cinq mois il n'a plus parlé d'elle;

C'était agir assurément en homme sage.

Quand le printemps nouveau a fait du jardin

Un paradis de lis, de rosés et de fenugrec,

Quand dans la plaine et sur les monts se sont ouvertes

Dans l'herbe la tulipe et le jasmin et la violette musquée,

L'éclat de l'astre du matin et le parfum de l'eau de rosé

Montant des jarres ont épanoui la fleur de la gaîté.

Le vin délivre les coeurs de leurs peines :

Les sages le nomment la clé du verrou des tristesses.


Basââr de Merv, poète du Xe siècle



La naissance de la poésie persane représente un moment clé dans l'histoire culturelle de l'Iran, marquée par une synthèse entre héritage préislamique et influences arabes. Cette poésie, loin d'être une simple imitation, est le résultat d'un processus créatif qui a permis aux Iraniens de redéfinir leur identité dans un nouveau contexte culturel.


L'œuvre de Ferdowsi et d'autres poètes de cette époque a non seulement préservé la mémoire de l'Iran ancien, mais a également ouvert la voie à une tradition littéraire qui continuera de prospérer et de se transformer au fil des siècles. La poésie persane est ainsi devenue un vecteur d'expression de l'âme iranienne, unissant passé et présent dans un dialogue continu qui résonne encore aujourd'hui.


En somme, l'étude de la naissance de la poésie persane nous invite à réfléchir sur la résilience de la culture face aux bouleversements historiques et à la manière dont la créativité humaine parvient à fusionner des héritages variés pour donner naissance à des formes d'art nouvelles et durables.




 



Bibliographie :

Les origines de la poésie persane, Gilbert Lazard, Cahiers de Civilisation Médiévale, année 1971 14-56 pp. 305-317

 
 
 

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